# Les Échos Oubliés des Terres Perdues

Lorsque les Brumes premières s’élevèrent des abîmes, le monde encore jeune fut sculpté par des forces ancestrales, indomptées et presque oubliées. D’antiques divinités, tissèrent les continents, insufflèrent la vie aux bêtes et aux hommes, et allumèrent les premières étoiles.

Mais ce monde ne naquit pas dans l’harmonie. Des conflits titanesques, d’une violence cosmique, opposèrent les forces de la Création à celles du Néant. Les légendes content que le ciel lui-même pleura des éclats d’étoiles, et que la mer bouillonna sous les cris des dragons.

Et puis, le silence. L’équilibre précaire. Les dieux se retirèrent, usés, ou peut-être endormis. Leurs vestiges marquent encore les terres : montagnes creusées en forme de lances, forêts maudites où l’on chuchote à la nuit, et cités englouties dont les pierres chantent aux rêveurs.

Les peuples d’aujourd’hui avancent sur les cendres d’un passé plus vaste qu’ils ne peuvent l’imaginer. Certains cherchent à réveiller les puissances d’antan. D’autres, plus sages ou plus craintifs, prient pour qu’elles demeurent à jamais endormies…

# La Voix des Bêtes et le Silence qui Vient

Au commencement des âges, avant même que les humains ne sachent nommer les étoiles, les bêtes étaient nombreuses, pleines d’instinct, mais aveugles à la beauté du langage et des idées. Éprise de leur innocence, Okomé offrit à chaque espèce une étincelle de conscience : aux loups, le sens de la loyauté ; aux corbeaux, la mémoire du vent ; aux ours, la sagesse des saisons.

Des âges plus tard, Waltz dans l'éveil leur donna le don de la parole. Dans les forêts, les clairières et les cavernes, les bêtes parlaient. Elles débattaient, conseillaient, chantaient même, en des langues oubliées, aux accents de feuilles et de pluie.

Mais les humains jalousèrent ce don. Ils craignaient un monde où les humains ne seraient plus seuls à raconter l’histoire. Selon certaines légendes, c'est les êtres humains, avides de se croire uniques, qui brisèrent l’harmonie.

Certains disent que l’homme viola les accords, forçant les bêtes à combattre, à servir, à se taire. D’autres évoquent une force plus obscure, un oubli né du monde lui-même, une volonté du chaos d’effacer ce lien sacré.

Ainsi commença le Grand Silence : une lente disparition de la voix chez les bêtes. Chaque génération parlait un peu moins que la précédente, jusqu’à ne plus savoir qu’un grognement, un cri, un chant lointain de souvenirs perdus.

Alors que la parole des bêtes se dissolve peu à peu, leur regard s’embrume. Malgré ce silence, leur esprit demeure vif. Certaines bêtes, devenues folles ou peut-être parce qu’elles sont “trop conscientes”, errent et attaquent tout être vivant, comme si le langage perdu les déchiraient de l’intérieur. Le Grand Silence a été plus dur pour les animaux domestiqués, qui ont presque tous graduellement perdu leur conscience d’eux-mêmes.

Aujourd’hui, quelques rares animaux murmurent encore, ou laissent échapper un mot quand la lune est pleine. Des ermites affirment entendre un renard les appeler par leur nom, ou un cerf réciter un poème au bord d’un lac. On raconte qu’un vieux corbeau aux plumes d’argent parle encore les mots d’origine, qu’un troupeau d’élans nomades porte des runes sur leurs bois, Ces créatures protègent les derniers fragments du pacte, transmettant leur savoir aux rares élus capables d’écouter.

Et certains disent que si quelqu’un retrouvait le nom véritable de celui qui a trahi le pacte et le prononçait au bon endroit, la parole reviendrait aux bêtes.